Réseaux sociaux numériques, acteurs citoyens et pratiques journalistiques au Sénégal : journalistes et patrons de presse face à leurs publics

Publié le par Mamadou NDIAYE

Avec une bande passante de 23,2 gigabits et un nombre d’abonnés au téléphone mobile toujours croissant, le nombre d’utilisateurs d’Internet au Sénégal ne cesse d’augmenter, passant de 40 000 utilisateurs d’Internet en décembre 2000 à 7 260 000 en novembre 2015 selon l’Union internationale des télécommunications (UIT). L’Internet mobile se développe (7 023 135 abonnés pour la 2G et la 3G, 254 758 clés Internet au 31 décembre 2015), de nombreux blogueurs s’activent sur la toile et le Sénégal compte des centaines de milliers d’utilisateurs des réseaux sociaux numériques (Facebook, Twitter, Instagram, etc.).

Cette forte audience suscite un intérêt grandissant chez les patrons de presse et les journalistes qui partagent systématiquement leurs productions sur leurs réseaux sociaux et qui reçoivent, en retour, les appréciations des internautes. 

Notre contribution va s’intéresser aux groupes de presse (initiatives lancées sur Internet), aux journalistes eux-mêmes (usages d’Internet et des médias sociaux, mutations dans les pratiques professionnelles), aux acteurs citoyens qui agissent sur les réseaux sociaux numériques et aux instances de régulation et d’autorégulation des médias. Nous proposons d’étudier les répercussions des critiques et des réactions des citoyens, internautes et usagers des médias, sur les pratiques journalistiques.

Ces pratiques influencent-elles le traitement de l’information fait par les journalistes ? Qui sont ces acteurs citoyens qui apprécient fréquemment le travail des journalistes sur les réseaux sociaux numériques ? Quelles sont leurs motivations ? Leurs interventions portent-elles leurs fruits ?

Finalement, cette situation ne valide-t-elle pas l’existence d’une nouvelle forme de corégulation des médias au Sénégal ? Aussi, si l’intervention des citoyens sur les réseaux sociaux numériques s’avère efficace, cette situation ne constitue-t-elle pas, à terme, une menace pour l’instance de régulation (le Conseil national de régulation de l’audiovisuel) mise en place par l’État, mais également pour l’instance d’autorégulation (le Comité pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias au Sénégal et son Tribunal des pairs) mise en place par les journalistes eux-mêmes, et souvent critiquées pour leur manque d’efficacité ?

Concernant notre méthodologie* de travail, nous nous sommes intéressé aux groupes de presse (initiatives lancées sur Internet), aux journalistes eux-mêmes (usages d’Internet et des médias sociaux, mutations dans les pratiques professionnelles), aux acteurs citoyens qui agissent sur les réseaux sociaux numériques et aux instances de régulation et d’autorégulation des médias. Leurs réponses, points de vue ou éclairages nous ont permis d’enrichir notre étude.

 

*Nous avons eu un entretien avec les 10 responsables d’organes de presse (presse écrite papier, en ligne, radio, télévision, agence de presse) du Sénégal. Ces entretiens nous ont permis de connaître les initiatives lancées sur Internet, mais aussi et surtout la réaction que suscitent, chez eux, les critiques des internautes. Concernant les journalistes, nous avons adressé un questionnaire à 200 journalistes professionnels dans le but de connaître leurs rapports avec les réseaux sociaux et les répercussions des critiques qu’ils reçoivent des réseaux sociaux sur leur travail. Cet échantillon est composé de journalistes professionnels formés dans une école de journalisme et de journalistes n’ayant pas bénéficié de formation, mais exerçant, quand même, le métier dans une rédaction. Nous nous sommes également entretenu avec des citoyens, acteurs du Web au Sénégal, pour connaître leurs profils et pour comprendre leurs motivations quand ils critiquent le travail des journalistes ou les choix faits par les responsables de groupes de presse. Ces citoyens très actifs sur le Web sont majoritairement d’anciens journalistes qui ont décidé de pratiquer un autre métier pour des raisons financières et matérielles. En dernier lieu, nous avons interrogé les responsables des organes de régulation et d’autorégulation afin de connaître leurs missions, les mesures prises pour une meilleure gestion du secteur des médias et leurs contraintes. Ces entretiens et le questionnaire administré ont permis d’obtenir de précieuses données quantitatives et qualitatives que nous avons exploitées dans cette contribution.

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